UNIVERSALISME ET REMINISCENCE GRISE.

 




Nous sommes héritiers! Loin de moi l’idée de parler ici de matérialisme au sens général du terme, mais bien d’un point de vue philosophique et dialectique, inscrit dans la sédimentation des évènements historiques. Oui, héritiers de l’universalisme directement issu de la Grande Révolution Française et à travers elle, des philosophes des Lumières. Celui qui garantit l’égalité entre les êtres, l'existence du pluralisme et de la diversité des identités, des croyances, des genres, des orientations sexuelles ou amoureuses, la capacité à s’auto-déterminer… et qui se traduit par notre devise républicaine « Liberté ; Egalité ; Fraternité ».

Néanmoins à la vue des enjeux de survies qui attendent l’humanité dans les prochaines décennies à venir, à cause des effets du dérèglement climatique et de ses dommages collatéraux, il est temps de redéfinir cet universalisme qui a bien des égards, prend la forme de l’Universel. C’est-à-dire qui a une dimension commune à l’assemble du vivant de part son caractère indispensable voir impérieux. De l’air à l’eau, en passant par l’ensemble du vivant, ce commun est à protéger.

Or deux choses peuvent nous entraver dans cette volonté d’unité. 

D’une , les barrières psychologiques que met en place notre cerveau face à des évènements incommensurables et que l’on appelle plus régulièrement le déni. Tout un paradoxe. En effet, notre esprit érige ces protections mentales en vue de préserver la santé psychique de l’individu mais en parallèle, empêche la résilience nécessaire pour appréhender les dangers et nous expose alors à la menace. Il est facile de se rendre compte et d’établir que plus les effets du dérèglement climatique se font ressentir dans le réel, au quotidien, plus le climato scepticisme augmente.

Il faut donc davantage éduquer et mobiliser les populations en s’appuyant sur la preuve apodictique et scientifique. Les chercheurs climatologues, météorologues, zoologistes, géologues, océanographes etc… et même anthropologues, doivent impérativement enrichir le débat. Leurs paroles sont salutaires et plus que jamais obligatoires.

Le politique doit reprendre sa place d’organisateur et ne doit, non plus endosser la posture de « sachant ». L’exemple catastrophique qu’a été la gestion de la crise Covid nous le prouve encore aujourd’hui : la défiance que représente la parole publique est à son paroxysme. Cet amateurisme n’a eu pour effet que la fabrication de théories complotistes et populistes largement reprises par l’extrême droite.

De deux, nous ne pouvons faire commun sans nous affranchir de notre histoire coloniale. Le capitalisme libéral a de fait, par son caractère congénial, séparé les êtres en transformant les citoyens en consommateurs. Les relations sociales sont donc déjà fracturées, ce qui empêche l’individuation collective, c’est-à-dire la capacité transindividuelle à faire émerger l’intelligence, le « Noũs »  en grec ancien, et à cultiver le ciment même de notre humanité, l’empathie.

Nulle question ici de culpabilité. La culpabilité est une notion religieuse qui sert à museler les êtres et entraver tout processus qui permet de Penser. Non, ici nous parlons d’une honte nécessaire. L’ Aïdos, la Honte qui favorise l’auto critique et qui, accouplée à Diké , la Justice qui permet de reconnaître l’injustice, forme les deux piliers de l’organisation de la cité :

la Politique. La Politéia  qui a été transcrite en latin par Res Publica , la Chose Commune, La République.

Pour trouver cet Universel qui fasse lien, l’humain doit couper avec l’irrationnel qui est la raison même de la perte de sens. Il faut donc rationnaliser l’Histoire pour construire une vision, établir des bifurcations dans le devenir pour le transformer en Avenir.

La Justice est donc une des conditions de l’Universel. Il ne peut donc y avoir de double standard comme nous le remarquons dans la différence de traitement entre les conflits Russo-Ukrainien et Israélo-Palestinien. Nous pouvons d’ailleurs le remarquer aussi dans l’absence de traitement. Qui entend parler des Ouighours ? Des Yéménites ? Des Congolais ?

Comment ne pas être interloqué par le négationnisme et le révisionnisme des réactions  de la bourgeoise et son aile droite, à propos de faits et vérités historiques établis et irréfutables ?!

Comment peut-on ne pas s’étonner de la suspension d’un journaliste qui n’a fait que rappeler ces vérités ?

Comment ne pas être interloqués par l’annulation par le Service Public de l’Audiovisuel de la diffusion d’un documentaire sur les crimes chimiques de l’armée française en Algérie ?

Peut-être doit on rappeler que la France est un des grands pays au monde, à ne pas avoir de musée de l’histoire coloniale !

Que la Vème République est l’héritage direct et la réponse institutionnelle de nos crimes et exactions en Algérie!

Un régime fort, une monarchie présidentielle qui à tout moment peut se saisir de l’ Article 16 et ainsi s’accaparer tous les pouvoirs.

Là se trouve le début d’une piste d’analyse, du pourquoi le bloc bourgeois est tant attaché à ses institutions et qu’il n’en supporte aucune critique ou remise en question. Car plus que la violence au sens stricte et dans ce qu’elle a déjà de plus horrible, notre pays s’est adonné à la déshumanisation. Pour comprendre la singularité de nos rapports avec le peuple algérien il faut comprendre que la colonisation que nous y avons instaurée est particulière.

De par le monde, le colonialisme a été la base d’extension des empires. Cependant il existe un colonialisme plus rare, qui n’ a été exporté qu’une dizaine de fois dans l’histoire de l’humanité, mais à trois reprise par la France, ce qui en fait un  bien triste record.

C’est ce que l’on appelle le « Colonialisme de peuplement ». Autrement dit, le remplacement de la population d’origine par celle du peuple colonisateur. Notre pays l’a mis en place au Québec, en Nouvelle-Calédonie et en Algérie. Entre la moitié et la fin du XIXème siècle, la France a tué près d’un tiers de la population algérienne.

Aujourd’hui et heureusement, les jeunes générations sont davantage enclines à reconnaitre la responsabilité de leurs pays. Bien évidemment, le temps a fait son travail et ils se sentent à juste titre, moins directement concernés par la responsabilité collective. Là, se trouve encore un nœud conflictuel intergénérationnel à dénouer. En tant que pays, que nation, qu’Etat, nous sommes consubstantiellement liés et structurés par le fond pré-individuel constitué par nos prédécesseurs. L’héritage est parfois lourd. Mais nous n’avons d’autre choix que de l’accepter.

La réminiscence est composée de strates de souvenirs. Et cette réminiscence, cette mémoire collective à laquelle nous ne pouvons-nous extirper doit être étudiée, analysée et assumée une bonne fois pour toute. Il est temps de faire la paix avec les autres, avec nous-même.

Parce qu’inexorablement, la seule condition pour savoir où l’on va c’est de savoir d’où l’on vient.

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